Comment déclarer des revenus issus des cryptomonnaies au Canada?

Denis

3 avril 2025

Déclarer ses impôts n’est jamais simple. Cela l’est encore moins quand vous détenez un patrimoine diversifié et que vous souhaitez déclarer vos cryptomonnaies.

Dans les lignes qui suivent, vous allez comprendre comment déclarer vos revenus crypto au Canada en restant bien aligné avec les exigences de l’ARC et éviter les mauvaises surprises.

Les cryptomonnaies sont-elles imposables au Canada ?

Obligation légale de déclaration

L’Agence du Revenu du Canada (ARC) considère que se séparer d’un cryptoactif constitue un événement imposable. Cela inclut l’échange, l’utilisation pour acheter des biens ou des services ou encore le transfert.

Ce n’est pas le prix de vente, mais le gain qui est imposable.

Par exemple, si vous avez acheté 1 Bitcoin à 25 000 $ en 2022 et que vous l’utilisez en 2024 pour acheter une voiture d’une valeur de 40 000 $, vous devez déclarer un gain en capital de 15 000 $. Ce n’est pas le montant de la voiture qui est imposé, mais la différence entre le prix d’achat et la juste valeur marchande au moment de l’utilisation.

À l’inverse, si vous vendez des cryptomonnaies en faisant une moins-value, vous n’êtes pas imposable et vous enregistrez même une perte en capital à déduire de vos gains en capital imposables.

La non-déclaration de vos opérations en cryptoactifs peut entraîner des conséquences juridiques. Pour éviter les oublis ou les erreurs, l’ARC recommande un véritable suivi des transactions de cryptomonnaies. Je l’évoque plus bas sur cette page.

Gain en capital ou revenu d’entreprise ?

Il faut d’abord déterminer si vos opérations relèvent d’une activité commerciale ou d’un simple investissement passif. Plusieurs éléments permettent de faire cette distinction. L’ARC examine en particulier la fréquence des transactions pour déterminer le statut fiscal.

Les implications fiscales diffèrent selon le cas de figure. Les gains en capital ne sont imposés qu’à 50 % tandis que les revenus d’entreprise le sont à 100 %.

Prenons un exemple : vous achetez de l’Ether pour 5 000 $ et le revendez plus tard pour 15 000 $, réalisant ainsi un gain de 10 000 $.

  • Si cette opération est considérée comme un investissement passif, vous avez réalisé un gain en capital. Dans ce cas, seulement 50 % du gain est imposable, soit 5 000 $ ajoutés à votre revenu imposable.
  • En revanche, si vous effectuez ce type de transaction régulièrement, comme une activité commerciale, le gain peut être requalifié en revenu d’entreprise. Dans ce cas, les 10 000 $ sont entièrement imposables, au même titre qu’un revenu salarié.

Le taux final dépendra de votre situation personnelle. Il est donc important de bien comprendre les règles — et de les respecter à la lettre.

Comme souvent avec les administrations fiscales, les réponses entraînent de nouvelles questions… En lisant ce que je viens d’écrire, vous vous demandez probablement : à partir de quand est-ce considéré comme un revenu d’entreprise?

Au lieu de seuils fixes, l’ARC utilise une série de critères qualitatifs pour évaluer la nature de l’activité. Voici les principaux facteurs pris en compte par l’ARC :

  • Fréquence des transactions : Plus vous effectuez d’opérations (achats, ventes, échanges), plus l’ARC pourrait considérer que vous exercez une activité commerciale.
  • Intention de profit : Si votre objectif principal est de générer un revenu, vous pourriez être considéré comme exerçant une entreprise.
  • Durée de détention : Si vous vendez vos cryptos peu de temps après les avoir achetées, cela suggère une activité de trading plutôt qu’un investissement à long terme.
  • Connaissances et expertise : Si vous avez une bonne connaissance du marché et que vous appliquez des stratégies de trading complexes, cela peut jouer en faveur du statut d’entreprise.
  • Montant investi et organisation : L’utilisation d’outils professionnels, de logiciels de gestion ou d’un plan structuré de trading est aussi un indicateur.
  • Publicité ou démarchage : Si vous proposez vos services ou affichez publiquement vos résultats de trading, c’est un signe d’activité commerciale.

Je ne peux pas vous aiguiller davantage. En cas de doute, consultez un fiscaliste ou appelez l’ARC (même si la qualité de la réponse dépendra de votre interlocuteur.

Tenue des registres obligatoires

Il faut documenter chaque transaction de cryptoactifs pour assurer une déclaration fiscale exacte et précise, et pouvoir justifier vos chiffres en cas de contrôle fiscale.

L’ARC recommande de tenir à jour un registre qui renseigne chaque acquisition, vente ou échange. Si vous utilisez un logiciel, faites des exports réguliers pour ne jamais perdre les données.

Les renseignements à conserver sont :

  • Date et heure : notez minutieusement la date et l’heure de chaque transaction puisque c’est essentiel pour déterminer la valeur des cryptomonnaies en dollars canadiens (CAD) au moment de la transaction.
  • Type de cryptoactif : Indiquez clairement le type de cryptomonnaie ou de jetons concernés par l’opération qu’il s’agisse de Bitcoin, d’Ether ou d’autres actifs numériques.
  • Nombre d’unités : Notez scrupuleusement le nombre exact d’unités de cryptomonnaie transigées, car c’est fondamental pour le calcul des gains ou des pertes en capital.
  • Valeur en dollars canadiens : Évaluez puis enregistrez la valeur de chaque cryptoactif en dollars canadiens (CAD) au moment de la transaction en utilisant une source fiable pour déterminer la valeur exacte.
  • Adresses des portefeuilles : Conservez un registre des adresses de portefeuilles numériques utilisées lors de chaque opération, ce qui permet de retracer les mouvements de vos actifs et de valider l’historique des transactions.
  • Type d’opération : Décrivez le type de chaque transaction qu’il soit d’un achat, d’une vente, d’un échange ou d’un paiement de biens ou de services, car ce détail influence la classification fiscale de l’opération.
  • Solde des portefeuilles : Enregistrez le solde initial et final de chaque portefeuille chaque année, ainsi que la valeur de chaque cryptoactif, ce qui permet de suivre l’évolution de votre portefeuille en cryptomonnaies.

Une tenue rigoureuse de ces registres vous permettra de justifier vos déclarations auprès de l’ARC et d’éviter des erreurs coûteuses. Une vraie garantie pour votre tranquillité d’esprit.

Quant à la durée légale de conservation des documents est importante, l’ARC recommande de garder les documents fiscaux est de six ans à partir de la fin de l’année d’imposition à laquelle ils se rapportent.

L’ARC est claire : les documents fiscaux se conservent 6 ans au minimum.

L’ARC accepte divers formats, mais vérifiez assurez-vous de pouvoir prouver l’historique de vos transactions puisque les simples captures d’écran de votre portefeuille ne sont pas toujours suffisantes.

Sachez que si vous avez commis une erreur (volontaire ou non) dans vos dernières déclarations, vous pouvez demander à la corriger, soit en présentant une demande de modification, soit dans le cadre du Programme des divulgations volontaires. Cet acte honnête de votre part réduit ou supprime les pénalités et les intérêts.

Les différents types de revenus cryptos à déclarer

C’est simple, tout ce qui représente un gain est déclarable. En plus des classiques achats et ventes, d’autres actions sont à déclarer.

Le minage et le staking

Les récompenses perçues que vous obtenez grâce au minage et au staking sont assimilées à des revenus. Elles tombent donc sous le coup de l’impôt dès leur acquisition. Il est important d’indiquer précisément la valeur marchande réelle des jetons reçus.

Le traitement fiscal dépend de votre situation :

  • Si vous pratiquez ces activités de manière occasionnelle, les revenus sont généralement déclarés comme autres revenus.
  • Si vous le faites régulièrement et de façon organisée, l’ARC peut considérer que vous exploitez une entreprise. Dans ce cas, vous devrez remplir le formulaire T2125 et serez imposé à 100 % sur les revenus.

Les airdrops et hard forks

Les airdrops, ces distributions gratuites de jetons, sont considérés comme un revenu imposable par l’ARC au moment où vous avez le contrôle sur les jetons (c’est-à-dire lorsque vous pouvez les vendre, les transférer ou les utiliser). Il faut déclarer leur juste valeur marchande en dollars canadiens à cette date.

De même, les jetons reçus à la suite d’un hard fork (division d’une blockchain créant une nouvelle cryptomonnaie) peuvent aussi être imposables, selon la manière dont ils sont reçus et accessibles.

Lorsque les actifs reçus n’ont pas encore de valeur marchande claire (peu ou pas d’échange sur les plateformes), leur évaluation devient plus complexe. Dans ce cas, il est recommandé de :

  • S’appuyer sur des plateformes spécialisées pour estimer leur valeur ;
  • Ou, si nécessaire, faire appel à un professionnel capable de justifier l’évaluation utilisée, en cas de vérification par l’ARC.

Comment calculer son gain imposable?

Vous souvenez-vous de mon exemple de calcul de gain en capital mentionné plus haut? En réalité, il était trop simpliste. La bonne nouvelle est qu’il peut souvent être réduit.

Détermination du prix de base rajusté

Avant de déterminer vos plus-values taxables, commencez par déterminer le prix de base rajusté (PBR) de vos cryptoactifs.

Habituellement, deux méthodes sont utilisées :

  • FIFO (premier entré, premier sorti) : vous vendez en priorité les cryptoactifs que vous avez achetés en premier.
  • Coût moyen pondéré : vous faites la moyenne du coût de toutes vos unités détenues, ajustée à chaque nouvel achat.

Mais, comme l’explique le site de CoinLedger, l’ARC semble exigé le coût moyen pondéré.

Voici un exemple de calcul d’un coût moyen pondéré :

Noah achète 1 Bitcoin à 30 000 $.

Un mois plus tard, il achète 1 Bitcoin à 40 000 $.

Deux mois après, il achète encore 1 Bitcoin à 50 000 $.

Le prix de base rajusté (PBR) de Noah est de 40 000 $, soit la moyenne des trois achats :
(30 000 $ + 40 000 $ + 50 000 $) / 3 = 40 000 $.

Si vous détenez plus d’un type de cryptoactifs, chaque type est considéré comme un actif distinct et doit être évalué séparément.

Le calcul du prix de base rajusté (PBR) devient plus complexe lorsque vous échangez une cryptomonnaie contre une autre — par exemple, de l’ETH contre du BTC. Dans ce cas, vous devez évaluer la juste valeur marchande des deux actifs en dollars canadiens au moment précis de l’échange.

Prenons un autre exemple : si Noah échange 1 ETH contre 0,05 BTC, il doit déterminer la valeur de l’ETH en CAD au moment du swap pour établir le montant à déclarer comme disposition, ainsi que la valeur d’acquisition du BTC reçu.

Conservez des preuves précises (captures de cours spot, sources utilisées, horodatage), car l’ARC exige que la méthode de calcul soit justifiable. Une mauvaise évaluation peut fausser l’ensemble de votre déclaration.

Frais déductibles associés

Une partie des dépenses engendrées par votre activité de cryptomonnaies peuvent être déductibles, ce qui allège d’autant votre assiette taxable.

Cependant tous les frais ne sont pas admissibles et leur admissibilité dépend de votre situation ; un tri rigoureux s’impose donc.

Ainsi, pour les entreprises, les dépenses sont déductibles dans la mesure où elles sont raisonnables, justifiées, et directement liées à l’exploitation de l’entreprise. Cela inclut :

  • les frais d’électricité pour le minage,
  • les commissions d’échange,
  • le matériel informatique,
  • les logiciels, etc.

Ces frais sont inscrits dans le formulaire T2125 comme charges d’exploitation.

Pour les particuliers,

La marge de manœuvre est plus restreinte. En général :

  • les frais d’acquisition (ex. commissions d’échange) sont ajoutés au coût d’achat de l’actif (et donc pris en compte dans le calcul du gain ou de la perte en capital, via le PBR) ;
  • les dépenses courantes comme l’électricité, les abonnements à des plateformes ou les formations ne sont pas déductibles.

Formulaires fiscaux et procédures concernés par la déclaration de cryptomonnaies à l’ARC

Même si je les ai déjà évoqués dans les parties précédentes, remettons les choses à plat sur les formulaires importants.

Formulaire T2125 pour entrepreneurs individuels

Le formulaire T2125 s’adresse aux personnes qui déclarent des revenus d’entreprise, notamment pour les mineurs (ceux qui font du minage, pas ceux qui ont moins de 18 ans…) et les traders actifs. Il est important de bien le remplir : ce document recense vos revenus d’entreprise.

Vous devez y indiquer un code d’activité économique (CAE) qui correspond le mieux à la nature de votre activité, par exemple : « minage de cryptomonnaies » ou « services financiers divers », selon les cas. Ce code aident l’administration fiscale à classifier vos opérations.

Annexe 3 pour gains en capital

Si vos activités en cryptomonnaies ne relèvent pas d’une entreprise, mais plutôt d’un investissement personnel, vous devez déclarer vos gains ou pertes en capital via l’Annexe 3.

Les opérations sur cryptoactifs s’inscrivent dans la section dédiée aux « cryptoactifs et autres biens semblables ». Vous y reportez le prix de disposition, le prix de base rajusté (PBR) et les frais liés à la transaction, pour calculer votre gain ou perte en capital.

Les pertes en capital peuvent être utilisées pour réduire vos gains en capital imposables de l’année. Elles peuvent aussi être reportées jusqu’à trois années en arrière ou indéfiniment dans le futur pour compenser de futurs gains. Profitez de cette stratégie utile pour alléger votre facture fiscale.

Déclarer ses cryptoactifs au provincial

Si vous comprenez bien la fiscalité au Canada, vous avez probablement compris qu’il manque presque la moitié du travail!

Vous déclarez vos revenus au fédéral (l’ARC) et au provincial.

Je ne vais pas traiter de toutes les provinces, mais puisque j’écris en français, je ne peux pas oublier le Québec et son administration fiscale, Revenu Québec.

La bonne nouvelle, c’est que les règles fiscales sont globalement alignées. Le traitement des gains en capital, des revenus d’entreprise ou des revenus liés au minage, staking, airdrops et autres opérations est semblable. Si vous déclarez un gain en capital imposable à 50 % dans votre déclaration fédérale, il en sera de même dans votre déclaration québécoise.

Cependant, les formulaires provinciaux diffèrent, notamment si vous exercez une activité commerciale liée aux cryptomonnaies (ex. : le formulaire TP-80 pour les revenus d’entreprise au Québec).

Il est donc important de vérifier que les codes d’activité économique et les dépenses déductibles sont bien reproduits dans la déclaration québécoise.

FAQ sur la déclaration de cryptomonnaies au Canada

Comment retirer ses cryptos sans payer d’impôt au Canada ?

Il n’est pas possible de retirer ses cryptomonnaies sans payer d’impôt au Canada si un gain est réalisé. L’Agence du revenu du Canada (ARC) considère les cryptomonnaies comme des biens et impose les transactions impliquant des cryptomonnaies comme la vente, l’échange, la conversion en dollars canadiens ou l’utilisation pour acheter des biens ou services.

Quelles sont les conséquences de ne pas déclarer ses gains de trading crypto ?

Ne pas déclarer ses gains de trading de cryptomonnaies au Canada peut entraîner des pénalités civiles et des amendes pénales. L’Agence du revenu du Canada (ARC) exige que les résidents fiscaux déterminent le montant d’impôt qu’ils doivent payer et produisent une déclaration de revenus. Le défaut de se conformer à cette obligation peut entraîner des sanctions financières.

Comment déclarer les pertes en cryptomonnaies au Canada ?

La manière de déclarer les pertes en cryptomonnaies au Canada dépend de la nature des activités liées à ces cryptomonnaies — c’est-à-dire si elles sont considérées comme un revenu d’entreprise ou un gain en capital. Si les activités de cryptomonnaies sont considérées comme une entreprise, la perte est traitée comme une perte d’entreprise; elle est déductible en totalité (100 %).

Si les activités ne sont pas considérées comme une entreprise, les pertes sont traitées comme des pertes en capital. Seulement 50 % de la perte en capital est déductible.

Existe-t-il des seuils de non-imposition pour les cryptomonnaies au Canada ?

Il n’existe pas de seuil spécifique de non-imposition pour les cryptomonnaies au Canada. Tous les gains réalisés, qu’ils soient considérés comme un revenu d’entreprise ou un gain en capital, sont imposables. L’Agence du revenu du Canada (ARC) considère les cryptomonnaies comme des biens numériques ou des marchandises.